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de Robinson Crusoé.

vages qui, si j’y eusse abordé, m’auroient sans doute fait subir un sort plus dur que n’étoit le mien. C’est pourquoi j’acquiesçai aisément aux dispositions de la providence, que je reconnoissois & croyois déjà régler toutes choses pour le mieux. Cette découverte ne donna nulle atteinte à mon repos ; & je me donnai bien garde de me tourmenter l’esprit par des souhaits impuissans.

Outre cela, quand j’eus mûrement considéré la chose, je trouvai que, si cette côte faisoit une partie des conquêtes espagnoles, je verrois infailliblement passer & repasser de tems à autre quelques vaisseaux ; que, si au contraire je n’en voyois jamais un seul, il falloit que ce fût la côte qui sépare la nouvelles Espagne du Brésil, & qui est une retraite de sauvages, mais des plus cruels, puisqu’ils sont antropophages, ou mangeurs d’hommes, & qu’ils ne manquent point de massacrer & de dévorer tous ceux qui tombent entre leurs mains.

J’avançois tout à loisir, en faisant ces réflexions. Ce côté de l’île me parut tout différent du mien : les paysages en étoient beaux, les champs ou les plaines toutes verdoyantes & émaillées de fleurs, les bois hauts & touffus. Je vis quantité de Perroquets, & j’aurois bien voulu en attraper un, pour l’apprivoiser & pour lui apprendre à parler.