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Les aventures

ni plus, ni moins que si j’eusse été dans la plus douce & la plus fortunée condition de la vie.

Mais dès que je me vis malade, & que la mort accompagnée de toutes ses horreurs se présenta à mes yeux pour la contempler à loisir ; quand mes forces commençoient à succomber à la violence du mal, que la nature étoit épuisée par l’ardeur de la fiévre ; c’est alors que ma conscience, depuis si long-tems assoupie, se réveilla : je commençai à me reprocher une vie qui s’étoit signalée par le crime, qui avoit armé contre moi la justice divine, qui m’en avoit attiré les coups les plus inouis, & qui me faisoit actuellement gémir sous le poids de sa vengeance.

Ces réflexions m’accablèrent dès le second ou le troisième jour de ma maladie, &, jointes à la fiévre, aussi-bien qu’aux reproches de ma conscience, elles arrachèrent de ma bouche quelques mots de prières, qui, pour n’être pas accompagnées d’un desir sincère, & d’une espérance vive, méritoient moins le nom de prières, qu’elles n’étoient effectivement le langage de la frayeur & de l’angoisse. Une confusion de pensées agitoit mon esprit ; la grandeur de mes crimes bourreloit mas conscience ; la peur ou la seule idée de mourir dans un misérable état, me