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de Robinson Crusoé.

contre la faim, c’en étoit assez pour charmer mes ennuis, pour servir de contre-poids à toutes mes afflictions ; dès-lors je commençois à me mettre l’esprit en repos ; j’étois bien éloigné de faire intervenir dans mes malheurs le courroux du ciel & la main vengeresse de dieu : mon esprit n’étoit guère accoutumé à remonter ainsi des effets à leur véritable cause.

Le bled dont j’ai fait mention dans mon journal, & que j’avois vu s’élever inopinément au pied du rocher, frappa mon ame aussi-tôt que ma vue ; il lui inspira une attention sérieuse autant de tems que l’opinion du miracle s’y maintint ; mais cette supposition ne fut pas plutôt éclipsée, qu’elle entraîna avec elle tous les bons mouvemens qu’elle avoit fait naître ; c’est ce que j’ai déjà remarqué.

Le tremblement de terre, quoique la chose du monde la plus terrible en elle-même, & la plus capable de conduire à une puissance invisible, qui seule tient en sa main les choses de cet univers, le tremblement de terre, dis-je, n’eut pas plutôt cessé, que l’émotion, la crainte, & généralement toutes les impressions qu’il avoit faites en moi, s’évanouirent : je ne pensai plus aux jugemens de dieu : je ne le regardai plus comme le juste dispensateur de mes maux,