Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
de Robinson Crusoé.


À peine étoit-il descendu sur ce bas élément, qu’il s’achemina vers moi, armé d’une longue pique pour me tuer : quand il fut parvenu à une certaine éminence distante de quelques pas, il me parla, & d’une voix terrible il proféra ces paroles encore plus terribles : Parce que tu ne t’es pas converti à la vue de tant de signes, tu mourras. À ces mots, il leva sa redoutable lance, & je le vis venir pour me frapper.

De toutes les personnes qui liront cette relation, aucun ne s’attendra que je sois capable de représenter les horreurs où cette vision plongea mon ame ; horreurs d’autant plus étranges, que, même durant le songe, je sentois un accablement réel : l’impression que cela fit sur mon esprit, ne passa pas comme un songe ; elle s’y grava profondément ; & après mon réveil, elle se conserva dans toute sa force, malgré les lumières du jour & de la raison.

Hélas ! à peine avois-je quelque connoissance de la divinité ; ce que j’avois appris sous mon père étoit oublié : les bonnes instructions qu’il m’avoit données autrefois avoient eu le tems de s’effacer par une débauche non interrompue de huit ans de tems, que j’avois passés à vivre & à converser avec des mariniers qui ne valoient pas mieux que moi ; c’est-à-dire, scélérats & profanes au suprême degré. Je ne sache pas que, durant