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Les aventures

recouvré mes esprits, je ne rendis point graces à Dieu de ma délivrance, comme j’aurois dû le faire, mais je me mis à courir çà & là, comme un perdu, tantôt serrant les mains l’une contre l’autre, tantôt me frappant la tête & le visage : en même tems je faisois de terribles lamentations sur mon malheur, & m’écriois tout haut : je suis perdu, hélas ! je suis perdu. Ce manège dura jusqu’à ce que m’étant bien tourmenté & épuisé, je fut obligé de m’étendre & de me coucher à terre pour me reposer ; mais je n’osois pas dormir, crainte d’être dévoré.

Quelques jours après ceci, que j’avois été à bord du vaisseau, & que j’en avois tiré tout ce que j’avois pu, il me prit encore envie de monter sur le sommet d’une petite montagne, & là de regarder en mer, dans l’espérance de découvrir quelque voile : il me sembla que j’en voyois une, je me berçai de cette espérance, & après avoir regardé si long-tems & si fixement que je ne pouvois plus voir, l’objet s’évanouit, & moi je m’assis à terre pour pleurer comme un enfant, & de la sorte augmenter ma misère par ma sottise. Mais enfin ayant surmonté en quelque façon toutes ces foiblesses, me voyant établi dans mon domicile, pourvu de meubles, avec une chaise & une table de surcroît, le tout aussi bien conditionné que j’avois pu, je commençai