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de Robinson Crusoé.

je tuai une chèvre qui avoit auprès d’elle un petit chevreau encore tettant, dont je fus véritablement mortifié ; quand la mère fut tombée, le petit resta ferme auprès d’elle, jusqu’à ce que j’allasse la ramasser ; je la chargeai ensuite sur mes épaules, & tandis que je l’emportois, le petit me suivit jusqu’à mon clos : là je mis bas la chèvre, puis prenant le chevreau entre mes bras, je le portai par-dessus la palissade dans l’espérance de l’apprivoiser ; mais il ne voulut point manger, ce qui m’obligea à le tuer & le manger moi-même. Cette venaison me nourrit pendant long-tems ; car je vivois avec épargne & ménageois mes provisions ; & sur-tout mon pain, autant qu’il étoit possible.

Voyant que j’avois fixé mon habitation, je trouvai qu’il étoit absolument nécessaire de me faire un endroit & des provisions pour du feu. Mais ce que je fis à cette fin-là, la manière dont j’élargis ma caverne, les aisances & commodités que j’y ajoutai ; c’est ce que je dirai amplement en son lieu. Il faut maintenant que je rende quelque compte de ce qui me regarde personnellement, & des pensées qui agitoient diversement mon esprit, comme on peut bien croire, au sujet d’un genre de vie si étrange.

Ma condition se présentoit à mes yeux sous une image terrible. Car comme je n’avois fait