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de Robinson Crusoé.

pourvoirai-je à ma nourriture sans elle ? » Enfin j’étois plus mort que vif, lorsque je fis réflexion que toute ma poudre pouvoit sauter en un instant ? Et il s’en falloit bien que j’eusse autant de souci concernant ma propre personne ; quoiqu’à la vérité, si la poudre eût pris feu, je n’aurois jamais su d’où partoit le coup fatal.

Cela fit tant d’impression sur mon esprit, que quand l’orage fut passé, je suspendis mes fortifications & mes travaux, pour me mettre à faire des sacs & des boîtes à resserrer ma poudre, afin qu’après en avoir fait plusieurs paquets dispersés çà & là, l’un ne fît pas prendre feu à l’autre, & que je ne pusse pas la perdre tout à la fois. Je mis bien quinze jours à finir cet ouvrage, & je crois que ma poudre, dont la quantité montoit à environ cent quarante livres, ne fut pas divisée en moins de cent paquets. Quant au baril qui avoit été mouillé, je n’en appréhendois aucun accident ; ainsi je le plaçai dans ma nouvelle caverne, que j’eus la fantaisie d’appeler ma cuisine ; & pour le reste, je le cachai dans des trous de rochers, que j’eus grand soin de remarquer, & où il étoit exempt d’humidité.

Durant le tems que je mis à faire ceci, je ne laissois passer aucun jour sans aller dehors au moins une fois, soit pour me divertir, soit pour tâcher de tuer quelque pièce de gibier, ou encore