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Les aventures

trente-six livres sterling en espèces, les unes étant monnoie d’Europe, les autres du Brésil, moitié en or, moitié en argent, & entr’autres quelques pièces de huit.

À la vue de cet argent, je souris en moi-même, & il m’échappa tout haut cette apostrophe : « Ô vanité des vanités, m’écriai-je ! métal imposteur, que tu es d’un vil prix à mes yeux ! À quoi es-tu bon ? Non, tu ne vaux pas la peine que je me baisse pour te ramasser ; un seul de ses couteaux est plus estimable que les trésors de Crésus , je n’ai nul besoin de toi, demeure donc où tu es, ou plutôt va-t-en au fond de la mer, comme une créature indigne de voir le jour ». Après avoir donné un libre cours à mon indignation, je me ravisai pourtant tout-à-coup, & prenant cette somme avec les autres ustensiles que j’avois trouvés dans l’armoire, j’empaquetai le tout dans un morçeau de canevas. Je pensois déjà à faire un radeau, quand je m’apperçus que le ciel se couvroit & qu’il commençoit à fraîchir. Au bout d’un quart-d’heure un vent fort souffla de la côte ; & sur le champ me fit faire réflexion que ce seroit une idée chimérique de vouloir faire un radeau avec un vent qui éloignoit de terre, & que mon plus court parti étoit de m’en retourner avant que le flux commençât, si je ne voulois dire adieu pour tou-