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de Robinson Crusoé.

n’étois pas encore content ; car je m’imaginois que, tandis que le vaisseau resteroit droit sur sa quille, comme il faisoit, il étoit de mon devoir d’en aller tirer tout ce que je pourrois. Ainsi je m’en allois chaque jour à bord pendant la marée basse, & j’en rapportois tantôt une chose tantôt une autre ; mais entr’autres la troisième fois que j’y allai, j’enlevai tout ce que je pus des agrès, les petites cordes, & le fil de carrelet que je trouvai, une pièce de canevas de surcroît, pour raccommoder les voiles dans l’occasion, & le barril de poudre qui avoit été mouillé ; & enfin toutes les voiles depuis la plus grande jusqu’à la plus petite : mais avec cette circonstance, que je fus obligé de les couper en plusieurs morceaux & d’en porter le plus que je pourrois à chaque reprise ; car elles ne pouvoient plus servir pour voiles, mais seulement pour amples canevas.

Mais la chose qui me fit le plus de plaisir dans tout mon butin, c’est qu’après avoir fait cinq ou six voyages de la manière que je viens de dire, & que je croyois qu’il n’y avoit plus rien dans le batiment qui valût la peine de s’en embarrasser, je trouvai encore un grand tonneau de biscuit, trois bons barrils de rum, ou d’eau-de-vie, une boîte de cassonade, & un muid de fleur de farine très-belle. L’agréable surprise où me jeta cette trouvaille fut d’autant plus grande, que