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de Robinson Crusoé.

d’une rivière, d’y entrer par un grand coup du hasard, & de nous mettre à l’abri du vent, ou peut être encore de trouver une eau calme. Mais il n’y avoit aucune apparence à rien de semblable : bien loin de là, la terre, à mesure que nous approchions, nous paroissoit encore plus redoutable que la mer.

Après avoir ramé ou plutôt dérivé l’espace d’une lieue & demie, suivant le compte que nous faisions, une vague furieuse, semblable à une montagne, s’en vint roulant à notre arrière ; c’étoit nous avertir d’attendre le coup de grace. En effet elle se rua sur nous avec tant de furie, qu’elle renversa tout d’un coup la chaloupe ; & nous séparant les uns des autres aussi bien que du bateau, à peine nous donna-t-elle le tems d’invoquer le nom de dieu par une seule exclamation ; car dans le moment nous fûmes tous engloutis.

Il n’y a pas d’expression qui puisse retracer ici quelle étoit la confusion de mes pensées lorsque j’allai au fond de l’eau : car quoique je nâgeasse fort bien, je ne pus point cependant me dégager assez pour respirer, jusqu’à ce que la vague m’ayant poussé ou plutôt emporté bien avant vers le rivage, elle se brisa & me laissa presque à sec, & à demi mort, à cause de l’eau que j’avois avalée. Voyant la terre plus proche de moi