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LES LANGUES ET LES NATIONALITÉS AU CANADA

et de son crayon. Mais, du fait de cette injonction, je deviendrais un prisonnier ou, du moins, un écolier mis en pénitence. Et le cas me semblerait si différent, que, laissant là mon crayon, je sauterais immanquablement par la fenêtre, pour aller demander à mon olibrius la raison de sa manière d’agir. — « Mais, vous seriez prisonnier pour si peu de temps ! Et puisque vous aviez l’intention de rester à écrire quand même, quelle différence ça peut-il vous faire ? » me diront les concessionnistes. — Cela fait que, si je me soumettais à cette fantaisie de mon farceur, il n’aurait absolument aucune raison pour ne pas recommencer et m’enfermer cette fois pour des journées, des semaines et peut-être des années.

Et ainsi en est-il pour la question des langues. Si vous reconnaissez aux francophobes le droit de vous imposer obligatoirement l’usage de l’anglais, vous leur ouvrez la voie pour vous susciter toutes sortes de difficultés par rapport à l’enseignement et au libre usage de la langue française.

La connaissance des deux langues officielles du pays est, personnellement, très utile à tout habitant du Canada. Faisons donc nos enfants jouir de cet avantage : parce que nous voulons le leur procurer, et non parce qu’il plaît à un hurluberlu quelconque de nous imposer cette obligation. — Donc, quand on accusera les Canadiens-français de ne pas vouloir apprendre l’anglais, n’allons pas faire le jeu de nos ennemis en nous défendant de cela comme d’un crime. Renvoyons tout simplement la balle dans le camp adverse : accusons bien haut l’ignorance et l’étroitesse d’esprit des Anglo-Canadiens, dont à peu près aucun ne connaît convenablement le français, langue officielle du pays et aussi obligatoire que l’anglais. Puis, proclamons le fait que dans nos écoles, on apprend aussi bien l’anglais que dans les écoles anglaises, tout en y enseignant le français. Mais, ne manquons pas d’ajouter que nous aurions le droit strict de nous contenter d’y faire enseigner uniquement le français, aussi longtemps qu’on n’enseignera que l’anglais dans les écoles anglaises.

La proclamation de nos droits à des écoles purement françaises est encore bien le meilleur moyen de défendre l’existence de nos écoles bilingues. — Essayez-le, et vous verrez.