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FAUSSE POSITION

arme de combat, dont tout le monde doit se servir dans la lutte pour la vie ; d’après vous-mêmes, la langue française n’est qu’un instrument de luxe, une arme de parade, que vous prétendez conserver en même temps que le bon et solide instrument qu’est la langue anglaise. Ne voyez-vous pas que vous fournissez aux francophobes leurs plus forts arguments contre vous ? « Puisque vous reconnaissez que l’anglais est si nécessaire, n’en compromettez pas l’enseignement en faisant vos enfants perdre leur temps à l’étude d’une langue qui, d’après vous-mêmes, n’a qu’une valeur sentimentale et est dénuée de toute utilité pratique. »

Voilà ce qu’on vous objecte. — Et j’avoue que je ne trouve pas vos réponses aussi victorieuses que je le désirerais. Parce que vous commencez par une concession de principe, et que les concessions de principes, quelques légères qu’elles paraissent, conduisent toutes aux conséquences les plus désastreuses. Et je crois que cette admission de l’anglais obligatoire est la seule cause de la faiblesse de l’argumentation des défenseurs des écoles bilingues.

Mais, répondent les Franco-Canadiens de l’Ontario et de l’Ouest, l’anglais nous est utile et nous voulons que nos enfants l’apprennent. — Quelques-uns ajoutent même : Si l’on voulait nous défendre de l’apprendre, nous l’apprendrions quand même. — Très bien ; apprenez l’anglais, et bien vous ferez. Et mieux vous feriez encore de passer outre à la défense que l’on voudrait vous faire de l’apprendre, parce que personne n’a le droit de vous la faire. — Mais, de ce qu’on n’a pas le droit de vous le défendre, s’ensuit-il qu’on ait celui de vous l’imposer ? — De ce que vous voulez apprendre l’anglais, s’ensuit-il qu’on ait le droit de vous obliger à l’apprendre ? En apparence, la différence ne semble pas énorme ; mais en réalité, ça conduit à des conséquences toutes différentes.

Ainsi, je suis ici, assis dans ma cabane, en train d’écrire cet intéressant chapitre. Selon toute apparence, je ne sortirai pas avant d’avoir fini. Cependant, croyez-vous que je ne me rebifferais pas si quelqu’un s’en venait me déclarer qu’il m’enferme ici jusqu’à ce que j’ai achevé d’écrire ? — Actuellement, je suis un écrivain, disposant librement de son temps