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LE GRAND DANGER POUR LE CANADA

en mêlerez, le mieux ce sera pour la future nation canadienne. Et puis, pourquoi tant vous presser ? Jouissez donc un peu de la belle bouillabaisse que vous nous avez faite. Elle n’est pas très ragoûtante, je l’avoue. Mais, enfin, je ne vois pas qu’il y ait si grand péril en la demeure. Ces groupes disparates d’hommes ne font, pour le moment, courir aucun danger sérieux, ni à la suzeraineté de la Grande-Bretagne, ni à l’entité nationale du Canada. Aucun d’eux n’est assez fort pour cela ; et tous sont trop éloignés de leur patrie d’origine pour en provoquer une intervention dangereuse.

Il n’y a en réalité qu’un seul danger imminent pour le Canada : c’est que les groupes disparates d’immigrants apprennent trop vite l’anglais. De grâce, ne tombez pas en syncope au premier énoncé de cette énormité. Mais, veuillez bien sortir un peu de votre subjectivisme et considérer les choses dans leur réalité objective.

Le Canada, lui, n’est pas un être subjectif, existant dans les nuages. C’est une réalité tout à fait objective ; et, bien qu’entouré d’eau de trois côtés, il est cependant relié au continent américain par une de ses frontières ; et il ne me semble guère possible de traiter utilement des affaires du Canada si l’on ne veut tenir aucun compte de ce qui se passe au-delà de cette frontière. La ligne 45e (ou 49e) ne passe cependant pas si loin de leur pays, que nos utopistes de l’Ontario et du Manitoba ne peuvent avoir au moins un vague soupçon de son existence. Je m’étonne qu’ils ne veuillent pas en tenir compte et qu’ils s’obstinent à parler, à agir et à écrire, comme si elle n’existait pas. J’ai assurément une très haute opinion de l’énormité de leur bêtise. Mais, quand même, pour qu’elle suffise à expliquer toute leur conduite, elle devrait atteindre une taille si phénoménale que je me prends à douter de la réalité de leur loyalisme à l’Angleterre.

En arrière de la ligne 45e (ou 49e), il y a une grande nation de composition à peu près aussi cosmopolite que le Canada, mais dont la langue officielle est l’anglais. L’intérêt de l’Angleterre comme suzeraine est, évidemment, de tenir ses sujets du Canada aussi séparés que possible de la puissante nation voisine. Et quel homme de bon sens osera prétendre