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L’IMMIGRATION

sujets recommandables. Mais nos gouvernants peuvent bien dire que, pour ceux-là, ils ne l’ont pas fait exprès.

Dans toute cette affaire de l’immigration, quel but se proposaient donc nos politiciens ? — Oh ! de grâce, ne les supposons pas plus malins qu’ils ne sont. Je suis persuadé que la plupart ne songèrent nullement aux résultats que tout cela pourrait avoir pour l’avenir du Canada. La vaine gloriole fut certainement le motif dirigeant des chefs de file. Ils voulaient que l’histoire enregistre leurs noms et que nos petits neveux y lisent avec admiration que : X. étant consul, et son parti occupant le pouvoir, la population du Canada augmenta de tant de millions ; et que, sous ce mirobolant régime, les villes poussèrent comme des champignons sur toute la surface du pays. Et, se pavanant d’avance devant les regards ébahis des futurs gosses qui liront leurs exploits, ils refusèrent obstinément d’écouter les prophètes de malheur qui leur criaient casse-cou !

Il faut reconnaître que ceux-ci étaient d’ailleurs très peu nombreux. Sur cette question de l’immigration, presque tous les Canadiens semblent avoir été saisis du même vertige que leurs gouvernants. Et, même ici, dans l’Ouest, où les inconvénients de cette immigration indigeste étaient cependant plus apparents que dans le reste du pays, je sais par expérience qu’on était généralement très mal reçu, quand on voulait parler des dangers de cette politique.

Les financiers et les agioteurs du pays ont aussi poussé de toutes leurs forces à cette politique d’immigration. — Eux, au moins, me direz-vous, étaient mus par le désir de favoriser le progrès matériel, sinon moral, du pays. — Eux ! Allons donc !… Vous ne les connaissez donc pas ? — Ils se fichent de la prospérité du pays comme de leur première chemise. Ils ne voient que le tant par tête qu’ils reçoivent pour les troupeaux d’immigrants qu’ils font entrer au Canada ; que les millions qu’ils pourront chiper dans la construction des divers chemins de fer, rendus nécessaires par le peuplement hâtif du pays, que les terres qu’ils se sont procurées pour rien et qu’ils pourront revendre avec du mille pour cent de profit ; que les agiotages de toutes sortes qu’ils pourront tenter dans l’état