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LES LANGUES ET LES NATIONALITÉS AU CANADA

nants, si, les connaissant de longue date, je ne savais parfaitement qu’ils n’ont pas d’esprit du tout.

Des politiques avisés auraient reconnu a priori que tenter cette expérience, c’était courir à une aventure, pour le moins très risquée et très dangereuse. Mais, au moment où nos politiciens inaugurèrent leur politique d’immigration à outrance, c’était une stupidité sans excuse, puisqu’elle venait d’échouer piteusement chez nos voisins des États-Unis.

Ceux-ci, en effet, sans avoir jamais cherché à provoquer l’envahissement de leur pays par les étrangers, avaient cependant laissé leurs portes large ouvertes pour tous ceux qui voudraient y entrer. Or, précisément au moment où la politique d’immigration s’inaugurait au Canada, les hommes d’État des États-Unis s’apercevant que cette invasion d’éléments hétérogènes était dangereuse, et constatant qu’elle avait eu de mauvais résultats, se mettaient en devoir d’y couper court et fermaient les portes de leur pays à l’immigration étrangère.

Je ne suis assurément qu’un pauvre simpleton ; car, je vous avoue que la seule conclusion que je tirai de là fut que ce qui avait eu de si mauvais résultats chez nos voisins n’avait guère de chances de produire de bons effets chez nous. Mais la logique des politiciens est, paraît-il, complètement différente, de la vulgaire logique du bon sens. Toujours est-il que nos gouvernants tirèrent des événements une conclusion diamétralement opposée à la mienne et qu’ils se dirent : les États-Unis ne veulent plus de l’immigration qui a causé des désastres chez eux, donc c’est le temps d’en détourner le torrent sur le Canada.

Et, non seulement ouvrirent-ils toutes grandes les portes du pays, mais, par leurs agents d’immigration, par la presse, par les réclames de tout genre, par les promesses les plus alléchantes et souvent les plus fallacieuses, ils embrigadèrent tous les vagabonds, les rôdeurs, les gens sans feu ni lieu, et souvent sans foi ni loi, qu’ils purent recruter dans les cinq parties du monde et déversèrent tout cela sur le Canada. La seule chose qui m’étonne, c’est que, dans une immigration ainsi recrutée, il se soit trouvé un aussi grand nombre de