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APRÈS LA CONQUÊTE

peu de ce qui se passe dans le reste du monde pour pouvoir entretenir des relations diplomatiques avec les nations étrangères, ont obligé les autorités fédérales des États-Unis à se départir un peu de cette étroitesse d’esprit.

Mais nos Bostonnais du Canada, cantonnés obstinément dans leur Bostonnisme, n’ont rien appris et ne veulent rien apprendre. Ils ne peuvent pas se persuader que le monde ait marché depuis le temps de la guerre de Cent ans ou des guerres de religion. Aussi, ne leur dites pas que nous sommes en 1916, que la France et l’Angleterre, étroitement alliées, combattent côte à côte le même ennemi, que depuis un siècle et demi les Franco-Canadiens sont, autant qu’eux-mêmes de loyaux sujets de la couronne britannique, ils vous répondront que nous sommes tout au plus au XVIe siècle, et que le « Frenchman » est toujours le seul et unique ennemi que tout, bon Anglais doit s’efforcer de combattre et d’exterminer, par tous les moyens. En dehors de là, ils ne comprennent rien à la politique.

N’allez pas non plus vous aviser de leur insinuer que, en ce XXe siècle, la multiplicité des relations a rendu nécessaire la tolérance mutuelle au point de vue religieux ; que le Pape ne possède plus qu’un pouvoir spirituel et moral, dont il ne se sert que pour promouvoir la paix et la bonne entente entre les diverses branches de la société, et qu’il ne peut par conséquent porter ombrage à aucun pouvoir politique : ils ne vous comprendront pas. Ils s’imaginent que le Pape est toujours Jules II, revêtu de sa cuirasse, et menace d’envahir le Canada à la tête d’une nombreuse armée. Combattre le papisme et la « foreign domination », c’est à cela que, pour eux, se réduit toute la question religieuse.

Avec cela, au point de vue de l’histoire et des connaissances générales, ils sont, naturellement, d’une ignorance à faire rougir le dernier écolier de la dernière école d’Angleterre ou de France, et d’une dureté d’entendement à rendre des points au plus boche des Boches de Poméranie. Aussi, n’essayez pas de leur faire comprendre que les choses peuvent se passer autrement ailleurs qu’elles ne se passent dans leur petit village ontarien, et n’en être pas plus mal pour cela : vous achèveriez