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la coercition et les langues

La faillite de l’administration prussienne en Pologne, en Alsace-Lorraine et dans les duchés danois, nous fournit d’ailleurs une nouvelle preuve de cette vérité historique. Chacun sait, en effet, que malgré des années et des années de persécution organisée méthodiquement, à l’allemande, le gouvernement de Berlin n’a réussi à faire oublier leur langue ni aux Polonais, ni aux Danois, ni aux Alsaciens-Lorrains. La persécution brutale dirigée contre leur langue maternelle n’a servi qu’à leur rendre celle-ci plus chère et a contribué à leur faire trouver de plus en plus insupportable un joug auquel, sans cela, ils auraient peut-être fini par s’habituer.

Mais le pays où le problème a été le mieux posé, sous toutes ses faces, c’est la Grande-Bretagne. Là, nous trouvons d’abord Jersey et les Iles de la Manche, où le gouvernement anglais n’a jamais essayé de mettre aucun obstacle à l’enseignement ou à l’usage de la langue française. Jamais, non plus, on n’y a entendu parler de difficultés scolaires ou administratives d’aucune sorte[1].

Dans le pays de Galles et en Écosse pendant tout le XIXe siècle, le gouvernement anglais a fait des efforts inouïs pour abolir l’usage du breton et de l’écossais. À l’enseignement donné uniquement en anglais dans les écoles, il a joint toutes les tracasseries dont est capable une administration moderne. Mais, finalement, voyant qu’il n’aboutissait à rien et que, dans les écoles unilingues, les enfants sans oublier ni le breton, ni l’écossais, n’apprenaient pas l’anglais, il s’est décidé à les laisser parler librement leur langue maternelle et à adopter dans les écoles le système de l’enseignement bilingue, qui donne les meilleurs résultats. Demandez-en des nouvelles à Lloyd-George.

Mais, pour que même la démonstration par l’absurde ne manque pas à notre thèse, la tentative gouvernementale de faire oublier sa langue maternelle à tout un peuple a presque

  1. Des journaux récemment reçus de Jersey démontrent que les habitants des îles normandes sont obligés parfois de réclamer contre certains empiètements ou négligences de l’administration anglaise dans le domaine des langues. Néanmoins, on ne trouve là rien de comparable à la haine sauvage et stupide dont les Anglo-Canadiens poursuivent la langue française au Canada.