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la coercition et les langues

Nonobstant le dédain des dirigeants de leurs pays respectifs, le français, l’anglais et l’allemand ont assez bien fait leur chemin dans le monde et y tiennent, à l’heure actuelle, une place assez importante. L’usage de l’une ou de l’autre de ces trois langues n’a même commencé à être sérieusement contesté que quand les gouvernements des trois pays ont voulu l’imposer. Mais, pour que des gouvernants émettent une aussi folle prétention, il nous faut arriver à l’âge de la contradiction et de l’absurde, où la tyrannie la plus insupportable a été dénommée liberté et où le recul aux théories les plus démoralisantes de l’antique barbarie a pris le nom de progrès et de civilisation : — au XIXe siècle, en un mot.

Comme cette expérience du « siècle des lumières » est très intéressante et a donné des résultats très curieux, je me propose de l’étudier un peu en détail, dans le chapitre suivant, dont pourront peut-être tirer profit les constructeurs de l’unité nationale du Canada, ceux du moins auxquels il reste encore un tout petit peu d’intelligence.


La coercition et les langues


Pendant le cours du XIXe siècle, les gouvernements de France, d’Allemagne et d’Angleterre ont, par des méthodes plus ou moins violentes, essayé d’établir l’unité de langage dans ces trois pays. Or, malgré la diversité des moyens dont ils se sont servis, ces trois gouvernements, non seulement n’ont pas réussi dans leur dessein, mais sont arrivés à des résultats diamétralement opposés à ceux qu’ils voulaient atteindre.

Il me semble que les échecs de ces trois gouvernements démontrent amplement l’inutilité et même le danger de toute tentative gouvernementale pour empêcher un groupe de population de parler la langue de ses pères.

Voyons d’abord la France. Nous avons déjà vu que, dans ce pays, outre le français, on parle basque, breton et provençal. Je ne connais pas comment les choses se sont passées, dans le détail, par rapport à la langue basque ; mais il est bien certain que, par l’administration et l’école, le gouvernement français a cherché à l’ostraciser, comme il a fait du breton et du pro-