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MADAME CATULLE MENDÈS


L’œuvre de Mme Catulle Mendès est faite d’un volume de vers, Les Charmes, de contes et de nouvelles parues dans les revues françaises et étrangères et de critiques de pièces de théâtre. Ces critiques, d’un langage harmonieux et pur, sont en forme de récits, dramatiques eux-mêmes, et dont ceux-là seuls qui ont affronté cette épreuve mesurent l’habileté. Il faut garder, dans un exemplaire de Maeterlinck, l’analyse de la Mort de Tintagiles : le mystère inexprimable du poème a passé dans ces vingt-cinq lignes.

Les Charmes forment trois parties assez dissemblables : la première qui se nomme L’Attente au jardin est comme vive et matinale ; la seconde : Le Cœur promis est formée de poèmes d’amour ; la troisième, le Rêve alarmé, y mêle de nouveau soucis.

Dans un de ces poèmes, Mme Catulle Mendès a décrit quels poètes hantent le jardin qu’elle imagine : Lord Byron et Musset, Virgile, Catulle, Villon, Charles d’Orléans, Marguerite de Navarre, Rémy Belleau, Ronsard ; Pascal, La Marquise, Aïssé ; parmi les plus récents Baudelaire, Verlaine, Banville, Valmore, Vigny, Hugo ; en somme des orfèvres, des amants, des mystiques : et les groupes de leur assemblée semblent répéter les trois parties de l’ouvrage.

Mme Catulle Mendès ajoute :

    « Et je leur donne à tous ma tendresse enfantine
    Et grave… Mais parfois, de tout l’être éperdu,
    J’ai surpris leur secret pour avoir entendu
    Dans les voix du jardin l’âme de Lamartine ».

On est un peu étonné de ne pas trouver Mallarmé en cette compagnie.
Il semble que Mme Catulle Mendès lui doive quelques beaux vers. Mais
les plus beaux sans doute, … quoiqu’elle en ait fait qui sont charmants
de ciselure, et que d’autres soient formés d’une vapeur plus fine que
l’ombre d’un rêve — les plus beaux sont ceux où toute littérature étant
dépouillée, elle est le plus simplement son âme. Il est étonnant que dans
tout ce poème passionné, il n’y ait pas un cri. L’accent est grave, ardent
et mêlé d’une magnifique tristesse : la clairvoyance y est la poésie de
l’amour, et on n’y trouverait rien de plus émouvant que le sonnet où
elle a écouté l’amant aux paroles enivrées :

<poem> Silencieusement j’écoute le poème…
    Heureuse et douloureuse, ô mon amant, je sais :
    Vous pensez à l’amour, et c’est moi qui vous aime.