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Sommaire.

annoncent la prochaine arrivée de Huon et de Gérard, dont ils vantent la courtoisie, les grandes manières et la libéralité. Charlemagne, ravi de ces nouvelles, se réjouit de n’avoir pas suivi le conseil d’Amaury. « Si Huon vient à Paris, dit-il, il sera gonfalonier de France, et son jeune frère sera mon chambellan. Je leur augmenterai leurs fiefs de deux mille livres, et ils auront les reliefs de ma table comme leur père. » — Amaury l’entend et pense en perdre le sens. P. 10-14.

Un soir, après manger, il va trouver Charlot et se jette à ses pieds. Charlot, surpris, le relève, et lui demande : « Qu’avez-vous, ami ? — J’ai une si grande douleur, répond Amaury, que je suis tout hors de moi. N’en ai-je pas sujet, quand on nous veut enlever nos terres et nos fiefs ? — Et comment, au nom du ciel ? reprend Charlot. — Vous allez le savoir, dit Amaury. Ces deux garçons de Bordeaux vont arriver ici. Ils sauront si bien s’escrimer de la langue et ils aboieront si fort que nul, Dieu me pardonne, ne pourra plus plaider en haute cour que par eux. Ils vous raviront une bonne part de la France. Ah ! Charlot, mon seigneur, aidez-moi à me venger d’eux ! Séguin, leur père, m’enleva jadis un bon château de grand prix. Vous ne pouvez me refuser votre aide ; je vous appartiens de près par votre mère. — Et en quoi, demande Charlot, pourrais-je vous aider ? — Je vais vous le dire, répond Amaury : prenez avec vous soixante chevaliers en armes ; de mon côté, je conduirai avec moi tout mon lignage. Nous irons nous embusquer près de Paris, dans un épais fourré, sur le chemin par où doivent passer ces deux garçons ; nous les arrêterons et leur couperons la tête, sans que personne en puisse rien savoir. —