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Sommaire.

Huon se décide à réveiller le géant et à le défier. Il lui donne le temps de prendre ses armes, et l’Orgueilleux, en retour, lui permet d’essayer le haubert merveilleux qu’il a ravi jadis à Oberon. Pour l’endosser, il faut être pur comme un nouveau-né : aussi Huon se recommande-t-il à Dieu avant de tenter de s’en revêtir. Il y réussit sans peine, et quand le païen le voit ainsi armé : « Je ne pensais pas, dit-il, que tu pusses entrer dans ce haubert ; maintenant, rends-le-moi, et tu agiras en baron. — Que Dieu te confonde, répond Huon, je ne te le rendrais pas pour quatorze cités. Que tu es donc laid ! maudit sois-tu de celui qui mourut sur la croix ! Ce n’est pas un homme qui t’a donné la vie. — Tu dis vrai, répond le géant, c’est le diable Burgibus qui m’a engendré ; c’est dame Murgale qui m’a porté dans ses flancs, et il n’est en enfer ni diable ni esprit malin qui ne soit de ma parenté. Cependant, si tu veux me rendre mon bon haubert, je te laisserai aller, et tu auras l’anneau d’or que me donna l’amiral Gaudisse, à qui j’ai enlevé quatorze cités, et qui est maintenant mon homme lige. Le voici, frère, cet anneau qui me va à peine au petit doigt : tu y pourras facilement passer ton bras, et il ne te sera point inutile pour remplir le message dont Charlemagne t’a chargé, dis-tu, car tu auras, par Mahomet, de rudes pas à passer. Quand tu seras arrivé à la cité de Gaudisse, avant de parvenir à son palais, tu auras affaire à quatre portiers farouches, après quoi tu trouveras quatre grands ponts, qui tous seront levés, et à chaque pont deux portiers en armes. Si tu leur dis que tu es de France, le premier te coupera un poing ; tu perdras l’autre poing au second pont, et tu laisseras l’un de tes pieds au troisième. Ainsi accommodé, on te portera devant l’amiral, qui te fera