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doon de la roche

si une particularité de F ne constituait une preuve décisive en faveur de la première hypothèse. Au moment où il va raconter le départ de Doon pour la Hongrie, dont le roi se propose d’attaquer l’empereur de Constantinople, l’auteur de F dit :

Cil autre jugleor qui de Doon vos dient
Assez en ont chanté, mais il ne sevent mie...
La ou il la vos laissent la vos ai rafichie[1].

Tous ceux qui ont quelque peu pratiqué les chansons de geste connaissent ces sortes de formules et savent ce qu’elles veulent dire : le poète les emploie quand il s’écarte de son original et se met à inventer de son propre crû ; ce qui suit est par conséquent une invention personnelle du trouvère. Nous pouvons donc admettre que l’auteur de F travaillait d’après un poème plus ancien et plus simple, qui ne contenait pas l’épisode des aventures de Doon en Orient, et que le traducteur espagnol a connu, directement ou indirectement, le poème perdu.

C’est là un résultat surtout négatif ; mais nous pouvons aller plus loin. Si la comparaison détaillée de F et de E est difficile, puisque nous ne pouvons déterminer avec précision les détails que le traducteur espagnol a modifiés, nous voyons cependant que la chanson de geste et le roman espagnol présentent en gros, en ce qui concerne Landri, la même suite d’événements : dans les deux récits, Landri (Enrrique) est aimé de la fille de l’empereur de Constantinople, auquel il a rendu, à la guerre, des services signalés ; dans les deux récits, il part de Constantinople avec une armée, pour châtier les traîtres qui sont cause des malheurs de sa mère. Nous avons vu que, en ce qui concerne la première partie du récit — les machinations contre Oliva et la disgrâce de celle-ci — il y a, à côté de grandes différences, des ana-

  1. V. 2409-2411. Il faut admettre entre les vv. 2410 et 2411 un vers perdu, où il était question d’une histoire ou d’une chanson.