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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

une tendance à placer la seconde personne de la Trimurtî au-dessous des Çiva-bhaktas. À l’appui de cette tendance, ils citent les paroles bien connues : « Çiva est un serviteur de ses serviteurs », et ils en concluent qu’un Çivabhakta doit être supérieur à Vishnu.

Des deux sectes en lutte, celle des Çivaïtes semble la plus ancienne et s’être établie dans le Sud de l’Inde dès les premiers âges. Dans le Sud les (Çivaïtes sont numériquement supérieurs, et dans l’extrême sud de l’Inde, on ne rencontre qu’un petit nombre de Vishnuites si l’on ne tient pas compte de ceux qui ont émigré du Nord dans un but commercial ou pour se livrer à toute autre occupation. C’est aussi un fait digne de remarque que dans le Nord de Ceylan, colonisé par des gens venus de la côte voisine, vers le premier siècle de l’ère chrétienne, la foi Vishnuite est presque inconnue. La tradition populaire nous fait aussi connaître cet autre fait que le Çivaïsme existait de très bonne heure dans l’Inde ; car Augastiar, le premier qui ait écrit sur la grammaire tamoule, reçut, dit-on, la langue tamoule (Ten-molli ou langue du Sud, par opposition à Vada-molli ou sanskrit) de Skanda, fils de Çiva. Il semble donc que l’origine du culte de Çiva remonte à l’origine de la plus ancienne littérature du Dravida[1]. Bien que les Vishnuites aient également, en langue tamoule, leurs ouvrages inspirés (le Nalavira Prabandam), la croyance Çivaïque joue un rôle plus marquant dans la littérature tamoule, la seule qui mérite vraiment le nom de littérature dans l’Inde méridionale. À l’époque du Mahâbhârata, le royaume Pandian, dans le Sud, paraît avoir été une monarchie bien établie et il existait un temple de Çiva et de Pârvatî à Madura, capitale du royaume Pandian.

Au reste, la foi Çivaïque parait avoir fleuri, à cette époque, même dans le Nord. En effet, le Mahâbhârata nous apprend que le treizième jour de la grande bataille entre les Pandavas et les Kauravas, lorsque Arjuna, pour venger la mort de son fils Abhiman, s’en fut au mont Kaïlasa, accompagné de Krishna, afin d’obtenir de Çiva des armes, bien que succombant de faim et de fatigue il refusa d’apaiser sa faim sous le prétexte qu’il n’avait pas accompli sa Çiva pûja[2] quotidienne. Krishna cependant réussit à triompher de

  1. Dravida. le Sud de l’Inde.
  2. Çiva-Poudja, rite religieux en l’honneur de Çiva.