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LALITA VISTARA. — CHAPITRE XXI

Le Bôdhisattva :

167. Si tu es le seigneur du désir, tu n’es pas le seigneur du monde visible. Regarde-moi, c’est bien moi qui suis le soigneur de la loi. Si tu es le seigneur du désir, ne t’engage pas dans la mauvaise voie. J’obtiendrai l’Intelligence malgré toi, à ta vue.

Le démon dit :

168. Tout seul, Çramana, que fais-tu dans la forêt ? Le but que tu désires n’est pas facile à atteindre, en vérité. Par Bhrïgou, Angiras et autres, à l’aide de l’effort persévérant de la pénitence, cette dignité suprême n’a pas été obtenue. Toi, un homme, comment (l’obtiendrais-tu) ?

Le Bôdhisattva dit :

169. Non précédée par la science, elle était défectueuse, la pénitence pratiquée par des Rïchis qui avaient la pensée dominée par la colère et désiraient le pays des dieux ; avec l’idée arrêtée qu’en eux était le stable et l’instable, avec l’idée arrêtée que la délivrance était dans la région où ils allaient.

170. Ceux-ci, vraiment dénués de sens, disent que l’homme entre dans la région qui enveloppe tout ; les uns disent qu’il est éternel. Celui qui a un corps est sans corps, celui qui est sans qualités a des qualités do même que celui qui est actif est inactif, voilà ce que les autres disent.

171. Après avoir obtenu aujourd’hui l’Intelligence exempte de passion, ici même assis sur ce siège, après t’avoir vaincu, toi, abattu avec ta force et ton armée, j’enseignerai l’origine et la production du monde, l’apaisement de la douleur par le Nirvana ainsi que la nature froide.

172. Le démon, irrité, furieux, inquiet, prononce encore ce discours méprisant : Saisissez ce beau descendant de Gautama qui est assis là tout seul dans la forêt ; et, après l’avoir saisi en ma présence, allez promptement, gardez-le en votre pouvoir. Vite, après être allés dans ma demeure, mettez-lui à la fois des liens de bois et de fer, gardiens des portes, et je le verrai accablé de douleur poussant toutes sortes de gémissements, esclave des dieux.

Le Bôdhisattva dit :

173. On pourrait tracer toutes sortes de tableaux dans l’éther, y dessiner çà et là des figures ; le vent, qui va rapidement d’un lieu à un autre lieu, pourrait être lié avec des chaînes par un homme qui réussirait dans ses efforts ; h’ soleil et la lune pourraient être obscurcis, puis dégagés de l’obscurité et précipités du ciel sur la terre, que je ne pourrais, par tes pareils assez nombreux pour dépasser le calcul, être écarté de cet arbre.