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ORIGINES DU ZOROASTRISME. — VII. RÉDACTION DE L'AVESTA

livres parsis[1]. Ainsi Mithra n’est pas ΜΙΤΡΟ ou ΜΙΘΡΟ, mais ΜΙΙΡΟ, qui est déjà la forme persane Mihir : à la même époque, concordance significative, Mithridates disparaît de l’onomastique parthe et fait place à Meherdates (an 47 de notre ère)[2]. Le génie guerrier Khshathra vairya paraît, non pas sous une forme Σαθρο-οριο[3], qui est la transcription grecque que l’on attendrait pour la forme zende, mais Σαορηοαρ[4], c’est-à-dire Shahrê, qui est la forme pehlvie-parsie dérivée. Tishtrya ou Tighri n’est représenté, ni par Τισταρο, ni par Τιγρι, mais par ΤΕΙΡΟ[5], c’est-à-dire par Tir تير, dérivé moderne de Tighri : un siècle plus tôt, au temps de Sylla, Tigrane présentait encore la forme archaïque. Je ne parle pas des formes ΟΑΔΟ, ΟΑΝΙΝΔΑ, pour vâta, Vañainti, qui présentent déjà l’affaiblissement du t médial en d, caractéristique de la période moderne.

Toutes ces formes d’origine avestéenne prouvent qu’à la fin du ier siècle de notre ère, la langue était déjà sur l’étage du pehlvi, c’est-à-dire qu’au milieu de la période parthe le zend était une langue morte. Cela ne suffit point sans doute pour établir que les Gâthas ont été écrites avant le règne de Kanishka, car elles ont pu être écrites dans une langue morte. Des formes comme Mihir et Tir, dérivées de mots qui ont appartenu de tout temps à la langue populaire, ne supposent pas nécessairement la préexistence des textes où l’on rencontre les formes Mithra et Tighri : elles supposent seulement la préexistence de ces formes dans la langue. Mais parmi les divinités zoroastriennes des Indo-Scythes, il en est une dont le nom ne laisse pas place à la même incertitude et porte son état civil en lui-même : c’est Σαορηοαρ ou Shahrêvar. En effet, l’expression dont Shahrêvar dérive phonétiquement est une expression artificielle, née dans le cercle de l’école ;

  1. Sur ces monnaies zoroastriennes, voir la belle étude de M. Mark-Aurel Stein (Iranian deities on Indo-Scythic coins dans l’Indian Antiquary, 1888).
  2. Tacite, Annales, XI, 10.
  3. L’Hémérologue cappadocien a Ξανθριόρη.
  4. Lu avant Stein Ραορηοαρ : M. Stein a mis hors de doute la valeur Σ (= sh) du second Ρ des monnaies indo-scythes.
  5. Peut-être faut-il laisser de côté l’exemple de Τειρο, car on trouve déjà Tiridate au temps d’Alexandre : mais Tigranes laisse croire que l’écriture Tiri- pourrait bien être une transcription erronée pour Tigri-.