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iv
ANNALES DU MUSÉE GUIMET
Cette littérature, malheureusement, est encore pour la plus grande partie inédite. Les heures trop rapides que j’ai passées dans l’imprimerie de Fort-Bazar, en décembre 1886 et janvier 1887, à parcourir avec Tahmuras les vieux manuscrits, inconnus même de nom en Europe, que, sans sortir de Bombay, il découvrait et faisait venir jusqu’à lui du fond des villages guèbres de Yezd, m’ont plus appris que des mois d’étude personnelle. Une édition du Yasna, publiée depuis par Tahmuras, en 1888, et donnant en gujrati la description des cérémonies qui accompagnent la récitation du texte, me donna enfin pour l’époque moderne ce que je cherchais et me fournit une base solide pour ma traduction.
À cette difficulté que les traducteurs du Yasna ne semblent pas avoir assez considérée, s’en ajoutait une d’un autre ordre et qui fait depuis longtemps leur désespoir : c’est l’énigme des Gâthas, ces mystérieux poèmes, qui forment la partie la plus archaïque et la plus sainte de l’Avesta, et qui sont aussi obscurs dans le fond des idées qu’ils expriment que dans la forme dont ils les revêtent. Il suffit de comparer deux traductions quelconques de n’importe quelle Gâtha pour reconnaître l’anarchie qui règne dans cette partie de la science, où chaque savant peut dire à l’autre ce qu’Ormazd dit à Ahriman : « Ni nos pensées, nos enseignements, nos intelligences…, ni nos religions, ni nos âmes ne sont d’accord. » Or, comme les Gâthas, de l’accord unanime, représentent l’essence de l’enseignement du Zoroastrisme et qu’elles sont en fait le centre même de l’Avesta, qui partout s’y réfère et les suppose et semble s’être formé autour d’elles, on ne peut espérer d’aborder utilement le problème général du Zoroastrisme tant qu’on ne sera pas arrivé à une conception des Gâthas qui s’impose dans ses grandes lignes. Pour ma part, j’étais arrivé, par des résultats partiels, à la conviction que les Gâthas ne doivent pas être attaquées par une autre méthode que le reste de l’Avesta : que d’une part, pour le fond des idées, il faut

    printing Press, 1887). Le conseil fut écouté et en quelques jours le Victoria Jubilee Pehlvi Fund eut près de 20 000 francs à sa disposition. Il a été plus difficile d’employer l’argent que de le réunir : néanmoins un fac-similé du Nirangistân est à peu près achevé et va paraître cette année, et M. Tahmuras travaille à une édition critique de ses deux manuscrits du Grand Bundahish.