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LE RÂMÂYAṆA.

de s’élancer, revêtu d’une forme céleste, vers le svarga, l’Olympe indien. Mais avant de partir, il avait donné à Râma le conseil de quitter au plus tAl ce bois horrible, et nos voyageurs ne se le firent pas dire deux fois. Ils partirent incontinent, non toutetois sans avoir enterré le corps dont Virâdha s’était dépouillé grâce à la vertu magique de la flèche de Râma. Le pieux devoir d’ensevelir le cadavre, le héros n’eut garde de le négliger sachant que ceux là seulement montent aux mondes de la parfaite lumière : अवटे ये निधोयन्ते वेषां लोका महोदयाः[1], dont le corps a reçu la sépulture. Voilà une métaphysique de la sépulture que les anciens connurent bien aussi un peu, à en juger par le culte des héros et des lares. Mais elle a passé dans le christianisme, où on peut la suivre dans les paroles de l’Apocalypse : « Heureux etc.[2]. En principe elle est fondée sur le Védisme. Le rite des morts de la religion première des Aryas contient des passages comme celui-ci : « Va, pars dans ces voies antiques qu’ont suivies nos ancêtres. Va avec les Pitris, avec Yama, avec le bonheur mérité dans le ciel, le plus élevé, la lumière[3] ». Revenons à Râma. Après avoir enseveli le râkshasa, il se remet en route avec les siens et le premier ermitage qu’ils rencontrent est celui de l’anachorète Çarabhanga, le devoir permanent personnifié : धर्मः मनातनः. Par la vertu de ses terribles pénitences, ugreṇa tapasâ, il avait acquis une telle pureté que son corps resplendissait à l’instar du soleil et ne touchait pas plus la terre, असंस्पृशन्तं वसुधां, que celui de certains de nos mystiques. Des Gandharvas et des Suras l’entouraient, chantant ses louanges, et Çatakratu, le dieu qui tient la foudre, lui tenait compagnie en attendant de le conduire sur son char dans un monde supérieur. Le saint personnage attendait Râma et eut l’obligeance de lui dire qu’il n’avait pas voulu s’en aller dans le monde suprême avant d’avoir vu et reçu un hôte si aimable. Puis, renchérissant sur ce langage, il lui offre en pur don d’hospitalité le monde de Brahmâ. « Je te donne, lui dit-il, cette perle difficile à gagner ; accepte-la ». Mais Râma refuse le cadeau : c’est par ses propres efforts qu’il entend gagner les mondes suprêmes : अहमेवाहरिष्यामि स्वयं लोकाननुत्तमान्. Alors Çarabhanga

  1. Râm., III, 8, 20.
  2. V. Apocal., XIV, 13 ; XX, 6.
  3. V. Rig-Véda, X, 14 7, 8.