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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

भार्यौका, partage le destin de son époux. Je te suivrai donc où que tu ailles[1] ». En vain Râma lui fait la peinture de tous les périls des bois, ces impénétrables repaires des tigres, des lions, des ours, des éléphants, des serpents, des scorpions etc., rien ne peut faire chanceler la résolution de l’affligée, Sîtâ duḥkhitâ[2]. Habiter une forêt sauvage était du reste le destin que lui avaient prédit, fait-elle observer à Râma, des hommes versés dans la connaissance des signes : लक्षणज्ञैर्द्विजातिमिः वने ते विजने सीते वस्तक्यमिति[3]. L’argument était péremptoire, car dans l’Inde un aruspice n’en regardait pas encore un autre sans rire, quand depuis longtemps on s’étonnait de ce sérieux à Rome[4]. Et comme son époux continue à faire des difficultés, elle menace de s’empoisonner, d’avaler à l’instant même un poison devant les yeux du prince : विषमद्यैव पास्यामि पश्यतस्तिे[5]. Alors, Râma touché, ému, ébranlé lui dit : « Viens, suis-moi, ma bien-aimée[6] », et il donne la même permission aussi à son frère Lakshmaṇa[7]. Puis, il distribue ses immenses richesses aux brâhmanes, à ses amis, à ses domestiques, aux malheureux et aux indigents.

Cela fait, le héros va à pied, accompagné de Lakshmaṇa et suivi de Sîtâ, सोतयानुगतौ[8], prendre congé de son père. Ce que voyant, le peuple accourt sur son chemin et on l’entend se répandre en divers discours[9]. Tous voudraient suivre leur bien-aimé Râma et ils avouent ne rien comprendre aux agissements du roi. « Son âme, les entend-on dire, son âme est sans doute remplacée par une autre âme : ननं दशरथोऽन्येन सत्त्वनाविष्टचेतनः, puisqu’il bannit sans motif son fils bien-aimé[10] ». Le peuple ne savait pas que le roi était dans la désolation, qu’il ne cessait de se lamenter, qu’il

  1. Râm., 27, 4.
  2. Ib., 29, 1.
  3. Ib., 8.
  4. Mirabile videtur, quod non rident haruspex cum haruspicem videret. (Cicer., d. N, D., I, 26).
  5. Râm., 30, 22.
  6. Ib., 30, 36.
  7. Ib. 31, 23.
  8. C’était caractéristique de la position de la femme dans l’Inde. Cf. Mânav., V, 151, 154 ; Yajnav., I, 77. De même aussi la femme ne doit pas manger avec son mari. Mân., IV, 43 ; Yajn., I, 131.
  9. Râm., 33, 6.
  10. Ib., 33, 11.