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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

lorsqu’il n’y a qu’une intrigue nouée entre Kaikéyî et l’Indra des hommes (Bharata), unis entre eux par le lien de l’iniquité, पापानुबन्धयोः[1]. Râma reste inébranlable et recommande au généreux Lakshmana de le remplacer, après son départ, dans le service de celui qui est pour eux comme une divinité, दौवतं यथा[2]. Qu’il se comporte aussi envers Bharata comme s’il était Râma, qu’il le soutienne envers et contre tous comme son souverain légitime. « Je porterai, ajoute-t-il, le fardeau pesant que le devoir m’impose ; toi, porte avec Bharata la lourde charge d’un royaume : इसां धर्मधुरं गुर्वीमहं बक्ष्यामि । भरतिन सहेमां त्वं गुवीं राज्यधुरं वह[3].

Gagné ou plutôt subjugué par cette vertu héroïque, Lakshmaṇa manifeste alors sa volonté d’accompagner celui qui lui paraît être un dieu. Seigneur du monde, lokanâtha, lui dit-il, ta voie sera aussi la mienne ; je m’établirai avec toi dans la forêt et me consacrerai à ton service ; c’est une pensée arrêtée, kritamatin[4].

Cependant le départ est retardé ; les discours succèdent aux discours, tout le monde en fait, même le peuple d’Ayodhyâ ; 17 chapitres en sont remplis et tous visent à faire renoncer le héros à sa résolution. Mais il en repousse jusqu’à la pensée : नेच्छामि मनसाद्यहं[5]. Dans la réponse qu’il adresse à sa mère, qui a tâché de le persuader pour le retenir, que c’est à elle surtout qu’il doit obéir, Manu même ayant dit qu’une mère l’emporte sur dix pères[6], il rappelle à Kauçalyâ qu’un époux est un dieu pour la femme, थर्ता हि दैवतं स्त्रोणां, et son guide spirituel[7], que, par conséquent, la femme ne doit pas empêcher que l’ordre, çâsanam, de son époux soit observé[8]. « Pardonne, ô reine, mon langage : देवि प्रसोद मे, mais

  1. Râm., II, 20, 10.
  2. Ib., 21. 8.
  3. Ib., ib., 21, 12.
  4. Ib., 14, 21.
  5. Ib., 6.
  6. Ib., 22, 13. Sur toute la terre, ajoute cette mère désolée : . Cf. Mânav., II, 145.
  7. C’est ce que Manu a dit aussi (V, 154), et par cet exemple il appert pour la millième fois que rien n’est périlleux comme de discuter à coups d’Écritures.
  8. Râm., ib., 23, 4, 9.