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ANNALES DU MUSÉE GUIMET.

si saint et puissant qu’il soit, ne saurait prévaloir contre le mantra d’un brahmane. Viçvàmitra l’avait compris et n’avait pas insisté.

Cependant cet échec ne découragea pas notre kshatriya dans la tâche qu’il avait entreprise pour son propre compte et il reprit ses macérations ; c’était au midi, près l’étang Pushkara. Là se passa l’épisode de Çunahçepha, le fils vendu d’un brahmane et destiné à un naramedha, c’est-à-dire à être sacrifié en l’honneur des dieux. La victime implore le secours de Viçvàmitra qui alors propose à ses fils que l’un d’eux veuille bien se substituer à Çunahçepha. Tous refusent, naturellement, mais leur père qui ne l’entendait pas ainsi, les maudit. Puis, il communique à la victime désignée un manlra qui forcera Indra à la sauver de la mort^^1. Et cela arriva comme il avait dit. Quant à Viçvâmitra, il passa un autre millier d’années dans les plus dures austérités, de sorte que, la crainte des dieux s’étant ranimée, il les vit arriver près de lui avec Brahmà qui lui dit d’une voix très douce : Te voilà devenu un rishi ; maintenant tu peux cesser tes austérités : ऋषिस्वमास भट्रं ते निवर्त तपसोऽधुना (ṛshisvamâsa bhaṭraṃ tê nivarta tavaso’dhunâ)^^2. Mais Viçvâmitra aspirait à plus haut et il continua à se torturer. Alors, voilà qu’un jour une belle et gracieuse Apsara vint le trouver dans son ermitage et le séduisit. Et ainsi il perdit dans un instant tout le mérite qu’il avait amassé si longuement et si péniblement. Néanmoins il ne se découragea pas ; il eut la force d’âme de recommencer la carrière détruite et de nouveau, pendant mille années encore, il se livra à toutes les tortures imaginables. Il fit tant que les dieux furent derechef effrayés et que, pour détourner d’eux le danger d’être dépossédés, ils résolurent de conférer à l’anachorète le titre de maharshi, महर्षिशष्दं (maharshiçashdaṃ). C’est-ce que Brahmà en personne vint lui annoncer en ces termes : « Ô grand ṛishi, cesse ta pénitence. J’accorde à ta constance une grandeur égale à celle des plus éminents ṛichis, महत्त्वम् ऋषिमुख्यानां ददामि तव सृव्रत (mahattvam ṛshimukhyânâṃ dadâmi tava sṛvrata)^^3.

C’était certes une belle récompense, mais si belle qu’elle fût elle ne pouvait satisfaire Viçvâmitra. Il lui fallait le titre suprême de brahmarshi, ब्रह्मर्षिशव्दं (brahmarshiçavdaṃ), titre qui le plaçait de pair avec Vaçishtha et à cause de

1 Râm., ib., 64, 19 sq.

2 Ib., 65, 2.

3 Ib., ib., 23.