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ANNALES DU MUSÉE GUIMET.

personnifiées en Sîtâ, elles causent la destruction du démon. Puis, voyez : quand Sîtà est enlevée par le potentat de Lanka, toutes les créatures sont désolées de ce forfait et s’écrient : Il n’y a plus de justice, de vérité, de rectitude, de bonté ! नास्ति धर्म​: नार्जवं नानृशंसता^^1. La morale prend une place si considérable dans le Râmâyana (Râvana, le roi des démons même est forcé de lui rendre hommage^^2), qu’on serait tenté de croire qu’il a été écrit dans un but d’enseignement dogmatique. Il n’en est rien cependant ; le Ràmàyana n’est à aucun point de vue une œuvre didactique ou doctrinale. Mais s’il ne veut pas plus nous apprendre la morale que la philosophie et la religion, il ne laisse cependant pas de présenter aux yeux investigateurs, dans ses 24 000 stances, tout un monde religieux, philosophique et moral.

Ce qu’on voudrait savoir d’abord, c’est la raison du phénomène que je viens d’indiquer. Je me l’explique par l’action latente et inéluctable du génie panthéiste qui a présidé à la création de la religion védique et a fini par faire du brahmanisme, son héritier, une agglomération compacte et par endroits fort intimement liée d’éléments les plus divers. La liaison n’en est toutefois pas allée jusqu’à l’homogénéité ; elle en est restée, pour me servir d’une comparaison qui ne me semble pas manquer de justesse, à l’état de cette roche que la géologie appelle un conglomérat et où l’analyse discerne plus ou moins les divers minéraux qui la composent. Nous verrons qu’il en est de même du monde dont nous parlons et que, dans notre épopée qui présente ce monde, une lecture attentive trouve parfois mêlées et confondues, jusque dans une seule et même personne, toutes les croyances physiques et métaphysiques de l’Inde. Et on sait que le nombre en égale la diversité. Ainsi Râma, dont la science embrasse toutes choses, सर्वार्थिविहांसं^^3, qui est versé dans la science sacrée et dans la science profane, ज्नानविक्षानसंपन्नो​^^4, qui a l’esprit éclairé jusqu’à se connaître soi-même, विदितात्मन​^^5, Râma, néanmoins, ne laisse pas de se livrer aux pratiques matérielles de l’ascétisme^^6, युत्को योगविदा, et d’adorer comme l’enfant

1 Râm., III, 58, 41.

2 Ib., V, 29, 17.

3 Râm., IV, 4, 20.

4 Râm., IV, 14, 17.

5 Ib. ib, 9, 9 ; III, 77, 27.

6 Ib., V, 33, 7.