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LE MYTHE DE VÉNUS

pâlit et où l’hiver s’annonce. On pleurait la mort du dieu, on prenait son deuil, et des scènes funèbres entremêlées d’orgies satisfaisaient le double instinct, à la fois mystique et sensuel, propre à ces populations. Voilà le thème sur lequel a brodé l’imagination grecque, et que la poésie hellénistique a transmis à Ovide. D’un mythe grandiose et sombre elle a fait un conte galant.

V

C’est cette Aphrodite aimable, gracieuse, riante, que la Grèce fit connaître aux Romains lorsqu’elle conquit, comme dit Horace, son rude conquérant. Déjà sans doute le commerce phénicien avait introduit sur les côtes italiennes la connaissance et le culte de la déesse a la colombe, car on a trouvé de ses images dans les hypogées étrusques.

Quelquefois, au lieu d’une colombe, la déesse presse sur sa poitrine un œuf, ou une pomme ou une fleur. Ce sont autant de symboles de la fécondité et du plaisir. Cette pomme et cette fleur indiquent peut-être comment on en vint à la confondre avec l’antique déesse des jardiniers latins.

Cette déesse des jardins, fort honorée des populations du Latium, n’y avait pas un type ni un nom uniques. Flora, Pomona, Féronia, Férentina, comme l’Herentatis des Osques, présidaient, elles aussi, à la végétation, et par suite au printemps et aux plaisirs que le printemps ramène. Ces noms s’expliquent d’eux-mêmes ; ils viennent des fleurs, des fruits, de la fertilité. Le nom de Vénus est d’une origine plus obscure. Venustus et venustas en ont été tirés postérieurement, lorsque Vénus fut plus particulièrement la déesse de la beauté. On l’a rapproché non sans apparence de raison du sanscrit van, désirer, dunt les dérivés vanad et cauana niit dans le Rig-Véda le sens bien établi de désir^^1.

En considérant que la déesse présidait surtout aux produits de la terre et des troupeaux, à ce que les Latins ont exprimé plus tard par le composé pro-

1 Van donnerait Vénus comme le sanscrit jan a donné le latin genus. Note communiquée par M. Regnaud.