Page:Annales du Musée Guimet, tome 1.djvu/27

Cette page n’a pas encore été corrigée
19
LE MYTHE DE VÉNUS

la divine mère du prince ; tous les empereurs, même après l’extinction de la famille d’Auguste, gardent le bénéfice de cette brillante fiction. Vénus devient la divinité nationale de Rome ; sa statue se dresse en divers lieux avec celle de Rome elle-même personnifiée et divinisée, comme dans le temple que leur élève l’empereur Hadrien près de l’arc de triomphe de Titus.

Mais, à coté de cette Vénus officielle et majestueuse de la politique, les poètes latins et les peintures de Pompéi nous en montrent une autre beaucoup moins imposante, qui parfois com[)r(imi’t nu peu la patruiine du peu[ili.’ ninuiin et l’aïeule de la dynastie ; c’est la Vénus dos auiouroux, iiroti’ctrice des plaisirs et des doux larcins, mèri ! des désirs. Mater sœva cupidinum, et patronne, hélas ! des courtisanes. On peut croire qui’ le culte (1(_^ cette dernière, bien que moins solennel, n’était pas moins répandu. C’est celle que les modernes connaissent le plus. Mais il importi’ de noter qui ni l’une ni l’autre di’ ces deux Vénus n’avaient un droit réel à porter ce nom ; ni l’une ni l’autre n’étaient la véritable Vénus ; l’une et l’autre étaient des Aphrodites et venaient de la Grèce.

La Vénus véritable, celle à laquelle ce nom appartenait en propre, était une ancienne divinité des peuples latins qui paraît avoir été surtout une déesse des jardins. C’étaient les jardiniers qui célébraient ses fêtes. Elle est restée telle jusqu’au jour où les Romains, par leurs relations avec la Grande-Grèce et la Sicile, se sont trouvés en présence de l’Aphrodite adorée par la race hellénique, et de la déesse à laquelle les Phéniciens avaient élevé, sur le mont Eryx, un sanctuaire célèbre. Comment la divinité grecque et phénicienne (nous verrons plus loin que c’est la même) s’est -elle confondue avec la Vénus lutine, lui donnant ses traits caractéristiques et sa légende, mais lui prenant son nom, c’est un des faits les plus curieux que nous présente l’histoire des religions antiques ; fait qui, du reste, n’est pas isolé, car c’est ainsi que l’Athéné grecque a pris le nom de la Minerve latine en lui donnant tous ses attributs, l’t que l’Héphtestos grec s’est substitué, sauf le nom, au Vulcain latin. En ce qui concerne Vénus, ce fait serait inintelligible si l’on ne connaissait d’abord à un degré suffisant l’Aphrodite grecque et phénicienne. Nous en reuiettuns l’explication au moment où, redescendant le cours des âges, nous reviendrons de Grèce en Italie. Alors seulement nous pourrons montrer avec quelque vraisemblance comment