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Le rôle de Mahâvîra se caractérise ainsi d’une nette façon : ce fut le rôle d’un réformateur. Instruit dès sa jeunesse dans les doctrines de Pârśva, les observances de cet ordre lui parurent bientôt insuffisantes. Imbu de rigorisme, il prêcha la nudité et la chasteté, et ce fut sans doute sous ces deux rapports seulement que ses adeptes, les Jaïns, se différencièrent au début de l’ancienne école Nirgrantha.


À côté des Nirgranthas il est encore une secte qui présente plus d’une analogie avec les Jaïns : c’est celle des Âjîvikas, dont le chef fut Gosâla. Celui-ci, selon M. Jacobi[1], aurait même exercé la plus considérable influence sur Mahâvîra. Mais le problème ne laisse pas d’être obscur.

D’après la Bhagavatî, Gosâla aurait d’abord vécu six ans dans la compagnie de Mahâvîra. Ensuite, il se serait séparé de lui, aurait inauguré une nouvelle discipline et fondé la secte des Âjîvikas. Il serait de la sorte un disciple apostat de Mahâvîra, prescrivant comme lui la nudité et d’autres pratiques communes aux deux écoles.

Cette hypothèse est très légitime et M. Hoernle l’adopte. M. Jacobi considère au contraire Gosâla et Mahâvîra comme deux chefs de sectes d’abord indépendants. Après s’être associés pendant six ans dans l’intention de combiner leurs ordres, ils se seraient querellés, probablement au sujet de savoir qui dirigerait la communauté ainsi unifiée. D’après cette seconde opinion les Âjîvikas seraient donc au moins aussi anciens que les adeptes de Mahâvîra. Selon les documents bouddhiques sur lesquels M. Jacobi fonde son argumentation, ils remonteraient même à une très haute antiquité ; car ils seraient identiques aux Acelakas, et Gosâla aurait succédé à Nanda Vaccha et à Kisa Saṅkicca.

On voit combien les deux hypothèses sont éloignées l’une de l’autre. Il se peut que la tradition jaïna ait flatté Mahâ-

  1. H. Jacobi, Jaina Sûtras translated, Part II, p. xxix.