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PRINCIPE.


et si quelques instrumens de cette nature, chefs-d’œuvre de l’industrie, paraissent faire exception, nous croyons pouvoir assurer qu’ils ne plairont pas universellement[1]. N’est-il pas naturel d’attribuer cette grande différence d’effets entre les corps flexibles et ceux à ressort, à la nature intime et propre de leurs sons respectifs, c’est-à-dire, à l’effet total et simultané des sons aigus coexistans dans les uns et dans les autres ? L’expérience prouve que la résonnance simultanée des sons etc., constitue la plénitude du son qui paraît le plus pur et donne le plus beau des accords ; l’expérience prouve de même que la résonnance simultanée des sons établis sur toute autre série, ne produit plus le même effet et ne peut contenter l’oreille.

M. Chladni convient qu’il n’y a pas moyen, dans aucune espèce de corps sonores, d’empêcher la coexistence des sons aigus, tant que subsiste le son fondamental : on peut seulement isoler les premiers en touchant les nœuds des cordes ou des verges vibrantes, ou les lignes nodales des plaques et des cloches, et il avoue que cette coexistence est peu harmonieuse dans tous les cas où la série des sons n’est pas celle de la suite naturelle des nombres, laquelle est la seule qui satisfasse pleinement l’oreille. Ainsi cette coexistence qui, loin d’être un inconvénient dans le son des corps flexibles, dont elle constitue au contraire la beauté, cette coexistence est un inconvénient inhérent au son de tous les autres corps sonores, et semble ainsi les exclure du domaine de l’art musical.

Ici, comme en beaucoup d’autres choses, l’instinct a donc dévancé la science ; par-tout le sentiment a fait choisir les corps flexibles de préférence aux autres. Les corps élastiques n’ont jamais été in-

  1. Les membres de la classe des Beaux-Arts de l’Institut, et ceux de la première classe à qui ils étaient réunis pour examiner le Clavi-Cylindre de M. Chladni, ces commissaires à qui on ne peut contester la qualité de connaisseurs en ce genre, n’ont pu s’empêcher, tout en rendant justice aux diverses sortes de mérite de cet instrument, d’y reconnaître sur-tout un caractère de mélancolie et de tristesse.