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lui, si vos soupçons sont bien fondés et si son avarice a fait prendre la route de la mer à cette pauvre Julie. J’ai cependant quelque espérance encore qu’elle n’est point en Angleterre ; mais ce qui me console, c’est le parti que vous avez pris de lui point donner votre « Emile » et de le confier à Madame de Luxembourg comme elle vous l’avait demandé plusieurs fois »[1].

La marquise de Verdelin n’était guère plus rassurée que le maréchal :

« Ces anglais sont si heureux en tout, Monsieur, écrit-elle à Jean-Jacques, que je serais tentée de croire qu’ils ont enlevé la Julie, et ils nous haïssent tant qu’il ne faut pas espérer qu’ils veulent nous la rendre. Oh ! je ne leur pardonnerai pas cette capture-là comme celle de mon sucre… ».

Toute la Cour et la ville s’inquiétaient : « Depuis un mois, on ne cesse d’en parler et tout le monde s’impatiente de ne la point voir arriver », écrit le maréchal de Luxembourg.

Elle paraît enfin, après un long retard, dans les premiers jours du carnaval de 1761. Ce fut un succès délirant :

« Votre Julie est le plus beau livre qu’il y ait au monde », écrit la maréchale, et tout Paris, le répétant avec elle, entonne un hosannah général. Les femmes s’enivrèrent du livre et de l’auteur et Rousseau pouvait écrire que « pas un homme de lettres vivant, sans excepter Voltaire, n’a eu des moments plus brillants que les siens ».

  1. Correspondance générale. T. V, p. 318.