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madame de verdelin

Rousseau répondit à cette lettre par un véritable accès de mauvaise humeur :

« Je me suis rendu peu difficile, Madame, sur vos premiers présents, ou dons, ou cadeaux, ou comme il vous plaira de les appeler, car je ne sais pas trouver le mot propre. J’y recevais avec reconnaissance les témoignages de votre bon cœur et comme vous disiez vous-même, les soins de votre amitié. Quand ils ont commencé à devenir plus fréquents et plus incommodes, je vous l’ai dit. Alors Mlle Levasseur nous a servi de prétexte, et enfin M. Coindet, comme si ce qu’on m’envoie à manger chez moi pouvait paraître ailleurs que sur ma table. Je ne sais, Madame, si vous vous plaisez à me contraindre, ou si vous me soupçonnez de ne faire que jouer ; mais je sais bien que ces jeux-là me lassent, et que je n’en veux plus souffrir. Au reste je trouve assez injuste que trouvant tant d’importance à ce que je dis et si peu à ce que je fais, vous me traitiez en homme par mes paroles, et en enfant par mes actions.

« Je n’ai point oublié et je n’oublierai jamais les attentions et les bontés dont vous m’avez honoré, et ce souvenir ne peut qu’augmenter le regret que j’ai ne n’être pas d’un meilleur commerce et plus digne d’être admis dans votre société. J’avais besoin sans doute d’être averti que je ne suis près de vous qu’une simple connaissance. Si vous me l’eussiez dit plus tôt, Madame, je vous aurais épargné l’ennui de mes visites ; car pour moi je n’ai point de temps à donner à mes connaissances je n’en ai que pour mes amis. Recevez, Madame, les assurances de mon profond respect[1].

Si nous avions besoin d’être éclairé sur le caractère de Mme de Verdelin, si attentive pourtant à ne

  1. Correspondance générale, T. V, p. 243.