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celle que Voltaire a observée lorsqu’il ambitionnait d’exercer une influence conciliatrice dans la politique genevoise. Rousseau le sentait en accusant Vernés de prendre le masque du philosophe.

La situation de Jean-Jaques chez l’ambassadeur de France à Venise était bien étrangère aux préoccupations de Vernes, tandis que Voltaire, documenté à ce sujet[1], savait toucher un point sensible, comme le prouve l’apostrophe qui lui fut adressée le 31 mai : « Si M. de Voltaire a dit qu’au lieu d’avoir été secrétaire de l’Ambassadeur de France à Venise j’ai été son valet, M. de Voltaire en a menti comme un impudent[2] ».

Enfin l’expression de « quinze cent »[3] pour désigner le Conseil général a été imaginée par Voltaire, qui semble seul en avoir fait usage avec ses protégés, les natifs, sous son inspiration. Ce vocable devait exprimer que l’assemblée des Citoyens et Bourgeois n’était qu’un des organes du peuple et non le peuple tout entier, qui comprenait encore natifs, habitants et sujets. Son inventeur y tenait avec insistance, ainsi qu’on le voit dans les Mémoires d’Isaac Cornuaud[4]. C’était une pointe acérée contre la Bourgeoisie. dont Vernes était un fougueux partisan.

Rousseau avait donc raison d’attribuer les deux « Sentiments » au même auteur. Voltaire est reconnu comme celui du premier ; il devait l’être du second et probablement aussi du Préservatif.

Albert Choisy.
  1. Voir Lettres inédites de Voltaire, dans le Bulletin de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Genève, t. III, liv. 8, Genève, 1913, in-8.
  2. Correspondance, t. XIII, p. 347.
  3. Rousseau prétend à la fois que l’on a employé l’orthographe de Voltaire et que celui-ci n’aurait pas commis cette « faute de langue ».
  4. Genève, 1912, in-8, p. 24.