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institutions chymiques

allez plus loin ; demandez-lui, par exemple, pourquoi l’Etain qui s’unit au plomb ne s’unit pas à l’argent ; il en rendra raison fort aisément : ce sont des substances contraires, de température différente. Un Cartesien vous résoudra aussi touttes vos difficultés par des figures de pores, de corpuscules, et par des mouvemens différens, à mesure qu’il surviendra de nouvelles proprietés il les expliquera par de nouveaux mouvemens et de nouvelles figures : Un Neuvtonnien la plume à la main calculeroit des forces attractives et des dégrés de Cohesion. Est-on, après tout cela, plus savant sur la composition des corps ? point du tout. Vous en apprendrez plus en un quart d’heure dans le Laboratoire d’un Chymiste qu’en toutte vôtre vie parmi les (35) Systémes des Philosophes. C’est donc à la seule science spagyrique à montrer par de solides expériences la véritable constitution des corps, leurs mixtions et leurs combinaisons. étude profonde et curieuse dont vous ne trouvez pas un seul mot dans les livres des Philosophes : Tout occupés qu’ils sont de sistémes et d’idées abstraittes, ils ne s’attachent qu’aux mots ; heureux seulement en ceci qu’ils ignorent jusqu’à quel point ils sont ignorans. vouloir Philosopher sur la nature des corps sans rien connoitre ni de leur génération ni des principes dont ils sont formés, ni de la maniére dont est faitte leur mixtion : c’est comme si pour savoir ce que contient un coffre on se contentoit de le tourner et retourner de tous cotés et d’en mesurer éxactement Les dimensions sans se donner la peine de l’ouvrir.

Il est des qualités dans les corps qui sont d’abord apperccues de tout le monde, mais qui ne serviroient de rien pour en découvrir la nature si l’on n’avoit recours à d’autres lumiéres. Ainsi, que l’on présente du vin à un Lapon, il verra tout d’un coup qu’il est doux ou picquant[1], blanc ou rouge, et il ne tardera pas à s’apercevoir qu’il enivre, mais

  1. Voir Becher, Phys. subt., p. 93.