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institutions chymiques

couleur, le gout, l’odeur, le degré[1] de solidité ou de dureté, une figure déterminée, sont des modes qui ne constituent point son essence, et par l’éxamen desquels on ne parviendra jamais à la connoitre : C’est par cette considération que certains Philosophes ont [1] imaginé une matière prémiére depouillée de tous les accidens, et source de tous les corps : Mais de quel droit l’ont-ils admise comme une vérité constante ? Quelles expériences la leur ont decouverte, ou par quelles démonstrations se sont-ils assurés de son existence ? C’est à la Chymie [2] qu’il appartient de constater la vérité d’une pareille hypothèse. Si à force de divisions et de resolutions nous arrivons enfin à cette prétenduë matièére prémiére et qu’elle nous soit donnée également par l’Analyse de tous les corps il ne reste plus de lieu à douter de son existence, et nous serons obligés de reconnoitre un principe ou Element unique qui, combiné avec lui-même à force de figures et de mouvemens divers suffit à produire tous les différens corps dans cette varieté de genres et d’espéces que nous offre le Spectacle de la nature : Mais jusqu’à [3] ce que l’art nous ait conduit à ce dernier retranchement, à ce corps réllement simple qui constitue tous les autres, nous serons en droit de douter s’il existe et si la difficulté que nous éprouvons à le découvrir vient des bornes de notre industrie ou des Chyméres de nôtre recherche.

L’objet de la Chymie êtant donc la résolution des corps naturels dans les principes matériels dont ils sont composés, la (4) reunion de ceux ci pour le rétablissement des prémiers, et leur combinaison pour la production de nouvelles substances, il s’agit d’abord de trouver, pour parvenir à la connoissance de ces principes quelque moyen d’en rompre l’union dans les corps mixtes [4] et composés, et de retirer ces principes séparement, et selon leurs quantités respectives,

  1. Commencement d’une feuille de copie appartenant à la bibl. de Neuchâtel (fragment 4, voir introduction).