Page:Annales de la propagation de la foi, Tome 19, 1847.djvu/758

Cette page n’a pas encore été corrigée

les montagnes qui hérissent cette partie du Thibet ; j'aurais franchi la chaîne des Himalaya, et je me serais rendu en trente ou quarante journées parmi les Européens de l'Inde. Arrivé à Calcutta, j'aurais écrit à la Propagande et aux Supérieurs des Missions, et je serais, dans le plus bref délai, retourné joindre M. Huc, avec des secours, des vivres, du vin pour la Messe, et aussi, nous l'espérions, avec des confrères destinés à partager nos travaux, et à participer aux consolations que cette Mission semblait promettre avec tant d'abondance.

Nous parlâmes au Régent de notre dessein, il y entra de tout son cœur, et promit même de me donner des hommes qui me conduiraient, aux frais de l'Etat, jusqu'aux frontières du Thibet.

Nous en étions là, lorsque la Providence permit que notre projet fût tout-à-coup renversé par la violence et la jalousie des Ministres chinois. Il faut savoir que l'Empereur de Chine, sous prétexte de protéger le grand Lama, pour lequel il professe la plus grande vénération, entretient dans le Thibet un corps de troupes, et envoie tous les trois ans deux Ministres résider à H'Lassa, tant pour présenter ses hommages au Talaï-Lama, que pour diriger les opérations de la petite armée chinoise. Dans les temps ordinaires, ces Magistrats, strictement renfermés dans leurs attributions, se tiennent le plus qu'ils peuvent étrangers à toutes les affaires qui ne sont pas de leur ressort. Si nous fussions arrivés à une autre époque au Thibet, les deux ambassadeurs de Pékin, contents de savoir que nous n'étions pas de leurs compatriotes, se seraient bien gardés de s'occuper de nous ; mais l'état des choses se trouvait alors tout-à-fait changé, par suite de circonstances extraordinaires.

Le Thibet venait de subir une révolution. Son Roi,