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est qu’indirectement intéressée. S’il est à peu près certain que les plissements et renversements qui prennent un aspect si saisissant dans certaines chaînes de montagnes, se sont formés en profondeur sous l’effort de pressions et de contractions énormes, cette œuvre souterraine ne devient un objet géographique que lorsque par l’action combinée des soulèvements et des dénudations elle apparaît à la surface. Elle prend alors place dans le relief, s’associe aux autres formes du sol, influe sur le modelé de ce qui l’entoure ; et elle devient un des plus puissants centres d’action sur le climat, l’hydrographie, la végétation et les hommes.

Parmi les surfaces qu’étudie la géographie, celles de la lithosphère ont l’avantage de conserver plus ou moins l’empreinte des modifications qu’elles ont éprouvées depuis leur émersion. Elles présentent par là un intérêt particulier et ouvrent une nouvelle source d’enseignements. C’est comme un tableau enregistreur, sur lequel l’état présent des formes se montre la continuation d’états antérieurs. À travers les formes qui appartiennent au cycle présent d’évolution, on discerne des linéaments de celles qui les ont précédées. Ils subsistent assez nets souvent pour qu’on distingue jusqu’à quel degré d’évolution étaient parvenues les formes du sol, dues à des actions de même nature que celles qui travaillent sous nos yeux, quand un nouveau cycle d’érosion s’est ouvert. Dans la chaîne des âges, c’est naturellement l’anneau le plus proche, l’antécédent immédiat qui a le moins souffert de l’usure. Il se transforme plutôt qu’il n’est aboli. L’œuvre du passé persiste à travers le présent comme la matière sur laquelle s’exercent les forces actuelles. Nous sommes dès lors en pleine géographie.

Dans les contrées qu’avaient envahies les glaciers quaternaires, les cours d’eau n’ont pas fini de déblayer les débris qu’ils avaient accumulés. Quelques-uns cherchent encore leur lit à travers ces matériaux, dont ils forment des alluvions. Les vallées dont un climat plus humide avait sillonné le Sahara sont, en apparence du moins, des formes fossiles : elles exercent néanmoins une influence sensible sur les sources, les puits, la végétation, et le vent s’emparant de leurs alluvions sableuses, y trouve les matériaux des dunes qu’il édifie.

L’aspect de la surface solide se décèle ainsi comme le résultat de modifications sans cesse remaniées d’âge en âge ; il représente une suite, et non un état une fois donné et atteint d’emblée. Les formes actuelles ne sont intelligibles que si on les envisage dans la succession dont elles font partie. Comment expliquer par exemple, sans recourir à la considération d’un régime de pentes antérieur, la direction si paradoxale en apparence de ces fleuves qui traversent, au lieu de les contourner, les obstacles qui semblent s’opposer à leur passage ? Tout cela restait une énigme, tant que n’avait pas pénétré dans la science, à l’aide de la comparaison et de l’analyse, cette notion de l’évo-