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L’ATLANTIDE DE PLATON

Ô Posidon, — s’écrie Pisthétairos, — quelle hauteur a ce mur ! quels en sont donc les ouvriers ?

Les oiseaux, — répond le Messager. — Pas d’Égyptien porteur de briques, tailleur de pierre ou charpentier ! rien que des oiseaux pour manœuvres ! j’en suis émerveillé ! Trente mille grues de Libye pour apporter les pierres… Dix mille cigognes pour faire les briques…

Les chiffres donnés par Platon comme mesures de sa ville ne sont pas moins surprenants…

La ville aristophanesque était digne de loger la Vierge Royauté que Pisthétairos exigeait des dieux en juste mariage ; c’était sa dernière condition de paix entre les oiseaux et l’Olympe (1633-1635) : « Héra, je la cède à Zeus ; mais la Vierge Royauté, il faut me la donner en mariage ». À la fin de la pièce, Pisthétairos s’avance, conduisant Royauté sous les chants de l’hymen (v. 1753). Dans la ville de Platon, s’était installée une grande et merveilleuse Puissance de Rois, qui tenait l’empire, non seulement de l’île urbaine, mais de beaucoup d’autres îles et du double continent libyque et européen. Platon fait de cette royauté une description qui semble nous ramener aux habitudes constitutionnelles et juridiques des cités phéniciennes.

Car cette ville royale de Platon et son empire de Rois étaient régis par une double dynastie, issue d’Atlas et de Gadiros, et par huit autres rois, un peu inférieurs, semble-t-il, — au total dix magistrats ou archontes (Critias, p. 113e et 114a), dont la fonction principale était de rendre la justice. À Gadès[1], comme à Carthage, les auteurs grecs connaissent des rois ; mais les auteurs latins disent sufes, en transcrivant exactement le mot shofet que nous connaissons par les inscriptions de Carthage et par l’Écriture : Israël, avant ses rois, eut des sufètes, que nous appelons les « Juges » :

Tite-Live, parlant des sufètes de Gadès, fait remarquer que c’était la plus haute magistrature punique ; à propos des sufètes de Carthage, il dit que leur autorité répondait à peu près à celle des consuls de Rome. Les sufètes étaient, dit Cornélius Népos, au nombre de deux, comme les rois de Sparte et les consuls romains…

Le titre apparaît souvent dans les inscriptions de Carthage, si souvent même qu’on doit admettre qu’il ne s’agit pas toujours des (deux) chefs de l’État. À ceux-ci, se rapportent sans doute les mentions de sufètes pour indiquer les dates. Mais les sufètes nommés sur des ex-votos ou des épitaphes peuvent avoir été de simples juges : dans la pratique, on devait joindre au mot shofet quelque qualificatif permettant de reconnaître de quel magistrat il s’agissait…

« Posidon, — dit Platon, — éleva cinq générations de fils jumeaux. Il divisa pour eux toute l’île Atlantide en dix parties. Au pre-

  1. Sur tout ceci, voir St. Gsell, Histoire…, III, p. 193 et suiv., auquel j’emprunte les citations qui vont suivre.