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ANNALES DE GÉOGRAPHIE

Athènes. Nos contes de nourrice commencent d’ordinaire par la formule : Il y avait une fois… « Il y a tout juste neuf mille ans, — reprend Critias, — que la guerre éclata, dit-on, entre les deux humanités que séparent les Colonnes d’Héraklès… Athènes, de ce côté, en avait le commandement et en porta le poids ; de l’autre côté, c’étaient les rois de cette lie Atlantide, plus grande alors que la Libye et l’Asie tout ensemble, mais que les tremblements de terre ont ensuite submergée ; il n’en reste que le fond de boues que rencontrent les navigateurs en allant du détroit vers la haute mer. »

Critias fait le portrait des deux peuples et des deux pays : l’Athènes légendaire dont il ignore tout, sauf les noms de rois, et l’Atlantide disparue, dont les prêtres égyptiens avaient donné à Solon une description minutieuse, que, sous leur dictée, il avait aussitôt notée, en ayant soin de s’en faire expliquer les noms étranges et de les traduire en grec. Critias pouvait donc aujourd’hui les citer en langue étrangère et en grec à ses interlocuteurs, « car les manuscrits de Solon, — disait-il, — qui étaient chez mon aïeul, sont aujourd’hui chez moi, et je les ai fort étudiés dans ma jeunesse ».

Les rois atlantides descendaient du dieu Posidon et de la princesse Clito. Les deux plus anciens étaient Atlas et son frère jumeau Gadiros, « qui obtint l’extrémité de l’île, du côté des Colonnes d’Héraklès, en face de la région appelée aujourd’hui Gadirique » ; le nom indigène de ce roi Gadiros signifie en grec Eumèlos, l’Homme aux Brebis… Aviénus avait appris du périple d’Himilcon que Gadir en langue punique signifie « l’Enclos », nam Punicorum lingua consæptum locum Gadir vocabat (v. 268-269) : l’hébreu et l’arabe appliquent ce terme aux enclos où, pour la nuit, le berger enferme son troupeau de moutons ou de chèvres, et le pluriel godrot désigne en syriaque le petit bétail ; Strabon savait que, en cette région gadirique, les pâturages étaient si bons qu’il fallait tous les cinquante jours saigner les brebis que la graisse suffoque (III, 5, 4).

Les descendants de Posidon et de Clito avaient bâti une capitale digne de leur puissance :

Près de la mer, juste au centre de l’île, il y avait la plus belle, la plus fertile des plaines, au centre de laquelle se dressait une butte. Posidon construisit une digue extérieure qui fit de cette butte un enclos circulaire, à triple enceinte de mer, à double enceinte de terre. Au centre de l’étendue, ainsi entourée, il fit jaillir deux sources, l’une froide, l’autre chaude, et pousser en suffisance toutes les plantes nourricières.

Cette île fournissait « tous les métaux durs et malléables que l’on peut extraire des mines » ; elle portait tous les bois qui peuvent servir au travail du charpentier ; elle nourrissait toutes les bêtes domestiques ou sauvages, qui vivent dans les marais et les fleuves, les plaines et