Page:Annales de géographie, Tome XXXVIII, 1929.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
L’ATLANTIDE DE PLATON

Il est certain que, en ces voyages, Platon avait mesuré la grandeur carthaginoise et bien vu le danger qui menaçait les Grecs[1]. Il est non moins certain qu’il avait eu d’intimes relations avec les capitaines marins et les armateurs de Sicile, soit durant les longues heures de ses traversées entre la Grèce et Syracuse, soit durant sa demi-captivité chez Denys le Jeune (sa VIIe Lettre en fait mention). Il est vraisemblable que, durant ces longs et nombreux séjours en Sicile, Platon avait connu, directement ou indirectement, les documents carthaginois, ce périple d’Himilcon, en particulier, dont la traduction grecque fut, sept ou huit siècles plus tard, transposée par Aviénus en vers latins. La date de ce périple nous est inconnue, mais, tout porte à croire qu’il est antérieur, et de plusieurs siècles, à l’époque de Platon[2]. Aviénus dit avoir puisé aux sources grecques les plus anciennes, aux livres d’Hécatée de Milet et d’Hellanicos de Lesbos ; c’est aussi du profond des annales puniques qu’il a tiré ses renseignements (v. 414-415) : Himilcon avait jadis vu de ses yeux le spectacle terrifiant que présentait la mer au delà du Détroit, et il en avait connu les périls (v. 412-413) ; ces périls, c’étaient, sur une mer de sables à peine immergés, des nappes de goémons, des brumes humides excluant toute chaleur, des troupes de monstres couvrant le large et des fauves terribles peuplant les bords du Détroit (v. 406-411).

« Mais, dans le temps qui suivit la victoire athénienne, — avait dit à Solon, pour finir, le prêtre égyptien, — il y eut des tremblements de terre effroyables et des cataclysmes. Dans l’espace d’un seul jour et d’une nuit terribles, toute votre armée fut engloutie d’un seul coup sous la terre, et de même l’île Atlantide s’abîma dans la mer et disparut. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, cet Océan de là-bas est difficile et inexplorable, par l’obstacle des fonds vaseux et très bas que l’île, en s’engloutissant, a déposés. »

En fait, l’Athènes de l’histoire avait, au temps de Platon, connu une journée et une nuit terribles où, d’un seul coup, avait sombré toute sa puissance, et la victoire des Hellènes au Couchant avait été pareillement suivie d’une revanche carthaginoise qui, en 409 avant notre ère, avait remis sous son empire libyco-européen Sélinonte, Himère et Agrigente…

II

Platon est revenu, dans le Critias ou l’Atlantique, — suite inachevée du Timée, — à ce pays des Atlantes et à ces exploits de la plus vieille

  1. Voir la VIIe Lettre de Platon, dont la plupart des critiques ne contestent pas l’authenticité (J. Souilhé, Platon, t. XIII de l’édition Guillaume Budé, p. 333 a).
  2. Le dernier éditeur des Ora maritima d’Aviénus, A. Schulten, reporte cette traduction grecque à la fin du VIe siècle avant notre ère, vers l’an 530.