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qu’il a éprouvées, on peut dire que M. Schemaltz est un homme d’honneur incapable de dire un mensonge.

Je dirai que jetais aussi témoin de l’événement dont se plaint M. Correard, et que je n’ai rien vu annonçant un pareil abandon prémédité. La difficulté de remorquer le radeau était grande, cette masse énorme se trouvait entre deux eaux, il était descendu par le poids de charge à un mètre de profondeur.

Cette position fâcheuse, et la force des courants étaient des obstacles assez puissants pour rendre nulles les intentions les plus généreuses. Je pense même que, si un accident imprévu n’avait séparé les embarcations du radeau, et si les officiers avaient persisté à le conduire jusqu’à terre, ils auraient échoué dans leur entreprise, et n’auraient fait que grossir le nombre des victimes.

Plaignons les malheureux que le sort dévoua à une mort certaine, et ne rendons pas les hommes responsables d’un malheur qu’on doit attribuer à la fatalité, la corde de la remorque cassa.

La chaloupe en quittant la frégate lit roule, comme je l’ai déjà dit, vers les autres embarcations qui remorquaient encore le radeau. Le lieutenant Espiaux, qui n’avait jusqu’alors pris de conseil que de son humanité, s’aperçut que la chaloupe, mal calfatée et faisant eau, pouvait à tout moment couler bas sous le poids de quatre-vingt-dix personnes qu’elle contenait ; il crut que les officiers commandant les embarcations ne se refuseraient pas à