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XIII


Un seringat fleurit dans un jardin pensif
En une allée humide au sol lépreux et dur,
Auprès d’un banc verdâtre, au pied d’un ancien mur
Dans un coin qu’assombrit encor l’ombre d’un if.

Sa fleur de cire met un rayon maladif,
Une frêle pâleur en son feuillage obscur ;
Et, pendant quelques jours, quand Juin luit dans l’azur,
Un parfum puissant sort de l’arbuste chétif.

Mais moins cher est pour moi l’éclat incarnadin
Des roses, car c’est là, sur lui, que ta main prit
Une fleur arrachée en un geste soudain,

Et que ton cœur, fermé jusqu’alors, s’entr’ouvrit.
C’est pourquoi je reviens dans ce pensif jardin
Où près d’un banc verdâtre un seringat fleurit.