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XVIII


 
Mon front est soucieux et mes tempes blanchissent,
Je marche mon chemin d’un pas moins assuré,
Mes yeux, toujours pensifs, à présent réfléchissent
Devant ce qu’autrefois ils auraient admiré ;

Plus d’un coin de mon cœur demeure inhabité,
Et la mélancolie a pris dans mon sourire
La place qu’autrefois y tenait la gaîté,
Quelque chose de moi chaque jour se retire.

L’habitude de vivre a soustrait de leur force
Aux fêtes du cerveau comme aux chagrins du cœur
Le mystère du monde a perdu sa terreur,

Pour en frémir encore il faut que je m’efforce ;
L’arbre sent s’épaissir et durcir son écorce,
Et pénétrer en lui le cercle de torpeur.