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XIX


 
La nuit froide descend : l’immense baie est vide ;
Dans ses sables brunis brillent des lignes d’eau ;
Sur le ciel clair encor d’une clarté livide
Se dressent les mâts noirs et penchés d’un bateau ;

Au sommet de la digue où le sentier nous guide,
Un berger sombre emmène un indistinct troupeau,
Et parfois, à nos pieds, le glissement rapide
D’une bête de nuit épouvante un roseau.

Nous prenons le chemin qui par le bois abrège ;
Dans la noirceur, qui semble encor plus s’obscurcir
Sous les deux phares dont le feu vient de jaillir,

La moindre lueur prend l’air menaçant d’un piège ;
Et j’aime ces retours qui te font mieux sentir
Que je suis près de toi et que je te protège.