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XIV


Vain rêve de verser une âme en une autre âme,
D’être unis comme l’eau se mêle avec le vin,
Ou comme deux sarments brûlent en une flamme,
Ah ! rêve inaccessible et trop doux, rêve vain !

Les plus fougueux élans, les plus désespérés,
De deux cœurs éperdus du vœu de se confondre
N’attirent que deux corps qui restent séparés,
Et dont l’effort d’amour en un instant s’effondre.

Hélas ! les longs baisers, les caresses étroites
Qui mêlent follement des membres nus et moites,
Lassés de se saisir et meurtris de s’étreindre,

Ne sont que des signaux, sur des écueils lointains,
De naufragés cherchant en vain à se rejoindre,
Et se jetant dans l’air des appels incertains.